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LES ÉTRUSQUES

Rien ne défend de croire qu’ils aient suivi la route des Alpes rhœtiennes : les plus anciens habitants des Grisons et du Tyrol, les Rhœtiens, ont parlé étrusque, au dire des premiers historiens, et leur nom ne diffère pas sensiblement de celui des Rases. Sans doute, les Rhœtiens peuvent n’être eux mêmes que les restes d’une colonisation étrusque transpadane ; mais pourquoi ne pas les considérer plutôt comme le peuple primitif demeuré dans ses cantonnements anciens ? Cette hypothèse est toute simple : elle est conforme à la nature des choses. Lui opposera-t-on le récit différent, d’après lequel les Étrusques ne seraient qu’une colonie lydienne, venue d’Asie ? Ce récit a pour lui l’ancienneté de sa date ; Hérodote y fait allusion[1], et les auteurs qui ont écrit à la suite en donnent des versions nombreuses et rehaussées par l’exagération des détails. Mais d’abord il est nettement démenti par d’anciens et intelligents critiques : Denys d’Halycarnasse, par exemple, se prononce contre une telle origine. Il prouve qu’il n’y a aucune ressemblance entre les Lydiens et les Étrusques : tout chez eux est autre, la religion, les lois, les mœurs et la langue. Il se peut qu’un jour une bande de pirates de l’Asie-Mineure soit descendue sur la côte toscane, et ait ainsi donné matière à la légende ; mais nous croyons bien plus encore à l’existence d’une espèce de quiproquo. Une ressemblance de nom, toute de hasard a semblé rapprocher les Étrusques italiques ou Tursennœ (car telle est la forme primitive d’où les Grecs ont fait Τυρσ-ηνοί, Τυῤῥηνοί ; les Ombriens Turs-ci ; et les Romains, Tusci et Etrusci), et le peuple lydien des Torrhébes (Τοῤῥηϐοί), appelés aussi Τυῤῥη-ηνοί, de leur ville Τύῤῥα. L’antiquité de l’erreur une fois admise n’en a pas corrigé le vice : et la ressemblance fortuite des noms ne

  1. [Hérod. I, 173.]