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LIVRE I, CHAP. VI

porations s’opéraient insensiblement dans leur sein, qui eurent des conséquences bien plus profondes. Dès l’époque où nous sommes arrivés commence la fusion des citoyens proprement dits et des simples habitants (incolœ). On n’a pas oublié qu’il y eut de tout temps dans Rome, à côté des citoyens, les protégés, les clients des familles citoyennes ; la multitude, la plèbe (plebes, de pleo, plenus), comme on l’appelait par allusion aux droits politiques dont elle était absolument privée[1]. La maison romaine, nous l’avons fait voir (p. 85), contenait déjà les éléments de cette classe intermédiaire entre les hommes libres et non libres : dans la cité elle croît rapidement en importance, le fait et le droit y aidant sous deux rapports. D’une part la cité elle-même pouvait avoir ses esclaves, et ses clients à demi libres : il arriva notamment qu’après la conquête d’une ville et l’anéantissement de son état politique, la ville victorieuse, au lieu de vendre simplement tous les habitants à titre d’esclaves, leur laissa la liberté de fait, en les considérant comme ses affranchis, et les faisant ainsi tomber dans la clientèle du roi. D’un autre côté l’État, à l’aide du pouvoir qu’il exerçait sur les simples citoyens, put un jour aussi se mettre à protéger leurs clients contre les excès et les abus du patronat légal. De temps immémorial la loi romaine avait admis une règle, sur laquelle se fonda la situation juridique de toute cette classe d’habitants. Lorsqu’à l’occasion d’un acte public quelconque, testament, procès, taxation, le patron a expressément ou tacitement résigné le patronage, il ne peut plus jamais, ni lui, ni son successeur, revenir arbitrairement sur cet abandon, soit contre l’affranchi lui-même, soit contre ses descendants. Les clients ne possédaient d’ailleurs ni le droit de cité, ni les droits de

  1. Habuit plebem in clientelas principum descriptam, dit Cic., de Rep., II, 2.