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Qu’ils ont sur vostre cœur l’authorité suprême,
Et qu’il est criminel d’en disposer vous-mesme.

HENRIETTE.

Je rends grace aux bontez que vous me faites voir,
De m’enseigner si bien les choses du devoir ;
Mon cœur sur vos leçons veut regler sa conduite,
Et pour vous faire voir, ma Sœur, que j’en profite ;
Clitandre, prenez soin d’appuyer vostre amour
De l’agrément de ceux dont j’ay reçeu le jour,
Faites-vous sur mes vœux un pouvoir legitime,
Et me donnez moyen de vous aimer sans crime.

CLITANDRE.

J’y vay de tous mes soins travailler hautement,
Et j’attendois de vous ce doux consentement.

ARMANDE.

Vous triomphez, ma Sœur, & faites une mine
À vous imaginer que cela me chagrine.

HENRIETTE.

Moy, ma Sœur, point du tout, je sçay que sur vos sens
Les droits de la Raison sont toûjours tout-puissans,
Et que par les leçons qu’on prend dans la Sagesse,
Vous estes au dessus d’une telle foiblesse.
Loin de vous soupçonner d’aucun chagrin, je croy
Qu’icy vous daignerez vous employer pour moy,
Appuyer sa demande, & de votre suffrage
Presser l’heureux moment de notre Mariage.
Je vous en sollicite, & pour y travailler…

ARMANDE.

Votre petit Esprit se mêle de railler,
Et d’un cœur qu’on vous jette on vous voit toute fiere.

HENRIETTE.

Tout jetté qu’est ce cœur, il ne vous déplaist guere ;
Et si vos yeux sur moi le pouvoient ramasser,
Ils prendroient aisément le soin de se baisser.