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Monsieur Jourdain

Madame, ce n’est pas…

Dorante

Monsieur Jourdain, prêtons silence à ces Messieurs ; ce qu’ils nous feront entendre vaudra mieux que tout ce que nous pourrions dire[1].

Premier et second musicien, ensemble, un verre à la main.

Un petit doigt, Philis, pour commencer le tour :
Ah ! qu’un verre en vos mains a d’agréables charmes !
Vous et le vin vous vous prêtez des armes,
Et je sens pour tous deux redoubler mon amour :
Entre lui, vous et moi, jurons, jurons, ma belle,
Une ardeur éternelle.

Qu’en mouillant votre bouche il en reçoit d’attraits !
Et que l’on voit par lui votre bouche embellie !
Ah ! l’un de l’autre ils me donnent envie,
Et de vous et de lui je m’enivre à longs traits.
Entre lui, vous et moi, jurons, jurons, ma belle,
Une ardeur éternelle.

Second et troisième musicien, ensemble.

Buvons, chers amis, buvons !
Le temps qui fuit nous y convie :
Profitons de la vie
Autant que nous pouvons.

Quand on a passé l’onde noire,
Adieu le bon vin, nos amours.
Dépêchons-nous de boire ;
On ne boit pas toujours.

Laissons raisonner les sots
Sur le vrai bonheur de la vie ;
Notre philosophie
Le met parmi les pots.

Les biens, le savoir et la gloire,
N’ôtent point les soucis fâcheux ;
Et ce n’est qu’à bien boire
Que l’on peut être heureux.

Tous trois, ensemble.

Sus, sus ; du vin partout, versez, garçons, versez.

  1. Var. Ce qu'ils nous diront vaudra mieux etc.