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euse, étant petite, de jouer à la Madame avec nous. Elle n’a pas toujours été si relevée que la voilà, et ses deux grands-pères vendaient du drap auprès de la porte Saint-Innocent. Ils ont amassé du bien à leurs enfants, qu’ils payent maintenant peut-être bien cher en l’autre monde, et l’on ne devient guère si riches à être honnêtes gens. » Je ne veux point tous ces caquets, et je veux un homme, en un mot, qui m’ait obligation de ma fille, et à qui je puisse dire : « Mettez-vous là, mon gendre, et dînez avec moi ».

Monsieur Jourdain
Voilà bien les sentiments d’un petit esprit, de vouloir demeurer toujours dans la bassesse. Ne me répliquez pas davantage : ma fille sera marquise en dépit de tout le monde ; et si vous me mettez en colère, je la ferai duchesse.

Madame Jourdain
Cléonte, ne perdez point courage encore. Suivez-moi, ma fille, et venez dire résolument à votre père, que si vous ne l’avez, vous ne voulez épouser personne.



Scène XIII

Cléonte, Covielle.

Covielle
Vous avez fait de belles affaires avec vos beaux sentiments.

Cléonte
Que veux-tu ? j’ai un scrupule là-dessus, que l’exemple ne saurait vaincre.

Covielle
Vous moquez-vous, de le prendre sérieusement avec un homme comme cela ? Ne voyez-vous pas qu’il est fou ? et vous coûtait-il quelque chose de vous accommoder à ses chimères ?

Cléonte
Tu as raison ; mais je ne croyais pas qu’il fallût faire ses preuves de noblesse pour être gendre de Monsieur Jourdain.

Covielle
Ah! ah ! ah !

Cléonte
De quoi ris-tu ?

Covielle