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Çamon vraiment ! il y a fort à gagner à fréquenter vos nobles, et vous avez bien opéré avec ce beau Monsieur le comte dont vous vous êtes embéguiné.

Monsieur Jourdain
Paix ! Songez à ce que vous dites. Savez-vous bien, ma femme, que vous ne savez pas de qui vous parlez, quand vous parlez de lui ? C’est une personne d’importance plus que vous ne pensez, un seigneur que l’on considère à la cour, et qui parle au Roi tout comme je vous parle. N’est-ce pas une chose qui m’est tout à fait honorable, que l’on voie venir chez moi si souvent une personne de cette qualité, qui m’appelle son cher ami, et me traite comme si j’étais son égal ? Il a pour moi des bontés qu’on ne devinerait jamais ; et, devant tout le monde, il me fait des caresses dont je suis moi-même confus.

Madame Jourdain
Oui, il a des bontés pour vous, et vous fait des caresses ; mais il vous emprunte votre argent.

Monsieur Jourdain
Hé bien ! ne m’est-ce pas de l’honneur, de prêter de l’argent à un homme de cette condition-là ? et puis-je faire moins pour un seigneur qui m’appelle son cher ami ?

Madame Jourdain
Et ce seigneur, que fait-il pour vous ?

Monsieur Jourdain
Des choses dont on serait étonné, si on les savait.

Madame Jourdain
Et quoi ?

Monsieur Jourdain
Baste, je ne puis pas m’expliquer. Il suffit que si je lui ai prêté de l’argent, il me le rendra bien, et avant qu’il soit peu.

Madame Jourdain
Oui, attendez-vous à cela.

Monsieur Jourdain
Assurément. : ne me l’a-t-il pas dit ?

Madame Jourdain
Oui, oui : il ne manquera pas d’y faillir.

Monsieur Jourdain