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Fort bien.

Maître de musique
Allons, avancez. Il faut vous figurer qu’ils sont habillés en bergers.

Monsieur Jourdain
Pourquoi toujours des bergers ? On ne voit que cela partout.

Maître à danser
Lorsqu’on a des personnes à faire parler en musique, il faut bien que, pour la vraisemblance, on donne dans la bergerie. Le chant a été de tout temps affecté aux bergers ; et il n’est guère naturel en dialogue que des princes ou des bourgeois chantent leurs passions.

Monsieur Jourdain
Passe, passe. Voyons.


DIALOGUE EN MUSIQUE

Une musicienne et deux musiciens
Un cœur, dans l’amoureux empire,
De mille soins est toujours agité :
On dit qu’avec plaisir on languit, on soupire ;
Mais, quoi qu’on puisse dire,
Il n’est rien de si doux que notre liberté.

Premier musicien
Il n’est rien de si doux que les tendres ardeurs
Qui font vivre deux cœurs
Dans une même envie.
On ne peut être heureux sans amoureux désirs :
Ôtez l’amour de la vie,
Vous en ôtez les plaisirs.

Second musicien
Il serait doux d’entrer sous l’amoureuse loi,
Si l’on trouvait en amour de la foi ;
Mais, hélas ! ô rigueur cruelle !
On ne voit point de bergère fidèle,
Et ce sexe inconstant, trop indigne du jour,
Doit faire pour jamais renoncer à l’amour.

Premier musicien