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Et c’est dans ce mépris, et dans cette humeur fière
Que votre âme à ses vœux doit voir plus de lumière,
Puisque le sort vous donne à conquérir un cœur
Que défend seulement une jeune froideur,
Et qui n’impose point à l’ardeur qui vous presse
De quelque attachement l’invincible tendresse :
Un cœur préoccupé résiste puissamment ;
Mais quand une âme est libre, on la force aisément,
Et toute la fierté de son indifférence
N’a rien dont ne triomphe un peu de patience.
Ne lui cachez donc plus le pouvoir de ses yeux,
Faites de votre flamme un éclat glorieux,
Et bien loin de trembler de l’exemple des autres,
Du rebut de leurs vœux enflez l’espoir des vôtres :
Peut-être pour toucher ces sévères appas
Aurez-vous des secrets que ces princes n’ont pas ;
Et si de ses fiertés l’impérieux caprice
Ne vous fait éprouver un destin plus propice,
Au moins est-ce un bonheur en ces extrémités
Que de voir avec soi ses rivaux rebutés.

Euryale
J’aime à te voir presser cet aveu de ma flamme,
Combattant mes raisons tu chatouilles mon âme,
Et par ce que j’ai dit je voulais pressentir
Si de ce que j’ai fait tu pourrais m’applaudir :
Car, enfin, puisqu’il faut t’en faire confidence,
On doit à la Princesse expliquer mon silence,
Et peut-être au moment que je t’en parle ici
Le secret de mon cœur, Arbate, est éclairci.
Cette chasse où, pour fuir la foule qui l’adore,
Tu sais qu’elle est allée au lever de l’aurore,
Est le temps dont Moron pour déclarer mon feu,
À pris…

Arbate
Moron, Seigneur.

Euryale
Ce choix t’étonne un peu ;
Par son titre de fou tu crois le bien connaître :
Mais sache qu’il l’est moins qu’il ne le veut paraître,
Et que malgré l’emploi qu’il exerce aujourd’hui
Il a plus de bon sens que tel qui rit de lui :