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DORINE, à Orgon.

C’est un homme qui vient, avec douce manière,
De la part de monsieur Tartuffe, pour affaire
Dont vous serez, dit-il, bien aise.

CLÉANTE, à Orgon.

Dont vous serez, dit-il, bien aise.Il vous faut voir
Ce que c’est que cet homme, et ce qu’il peut vouloir.

ORGON, à Cléante.

Pour nous raccommoder il vient ici peut-être :
Quels sentimens aurai-je à lui faire paroître ?

CLÉANTE.

Votre ressentiment ne doit point éclater ;
Et, s’il parle d’accord, il le faut écouter.

M. LOYAL, à Orgon.

Salut, monsieur. Le ciel perde qui vous veut nuire,
Et vous soit favorable autant que je désire !

ORGON, bas, à Cléante.

Ce doux début s’accorde avec mon jugement,
Et présage déjà quelque accommodement.

M. LOYAL.

Toute votre maison m’a toujours été chère,
Et j’étois serviteur de monsieur votre père.

ORGON.

Monsieur, j’ai grande honte et demande pardon
D’être sans vous connoître ou savoir votre nom.

M. LOYAL.

Je m’appelle Loyal, natif de Normandie,
Et suis huissier à verge, en dépit de l’envie,
J’ai, depuis quarante ans, grâce au ciel, le bonheur
D’en exercer la charge avec beaucoup d’honneur ;
Et je vous viens, monsieur, avec votre licence,
Signifier l’exploit de certaine ordonnance…

ORGON.

Quoi ! vous êtes ici…

M. LOYAL.

Quoi ! vous êtes ici…Monsieur, sans passion.
Ce n’est rien seulement qu’une sommation.
Un ordre de vider d’ici, vous et les vôtres,
Mettre vos meubles hors, et faire place à d’autres