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MADAME PERNELLE.

Mon Dieu ! le plus souvent l’apparence déçoit.
Il ne faut pas toujours juger sur ce qu’on voit.

ORGON.

J’enrage !

MADAME PERNELLE.

J’enrage !Aux faux soupçons la nature est sujette,
Et c’est souvent à mal que le bien s’interprète.

ORGON.

Je dois interpréter à charitable soin
Le désir d’embrasser ma femme !

MADAME PERNELLE.

Le désir d’embrasser ma femme !Il est besoin,
Pour accuser les gens, d’avoir de justes causes ;
Et vous deviez attendre à vous voir sûr des choses.

ORGON.

Eh ? diantre ! le moyen de m’en assurer mieux ?
Je devais donc, ma mère, attendre qu’à mes yeux
Il eût… Vous me feriez dire quelque sottise.

MADAME PERNELLE.

Enfin d’un trop pur zèle on voit son âme éprise ;
Et je ne puis du tout me mettre dans l’esprit
Qu’il ait voulu tenter les choses que l’on dit.

ORGON.

Allez, je ne sais pas, si vous n’étiez ma mère,
Ce que je vous dirois, tant je suis en colère !

DORINE, à Orgon.

Juste retour, monsieur, des choses d’ici-bas :
Vous ne vouliez point croire, et l’on ne vous croit pas.

CLÉANTE.

Nous perdons des momens en bagatelles pures,
Qu’il faudroit employer à prendre des mesures ;
Aux menaces du fourbe on doit ne dormir point.

DAMIS.

Quoi ! son effronterie iroit jusqu’à ce point ?

ELMIRE.

Pour moi, je ne crois pas cette instance possible,
Et son ingratitude est ici trop visible.