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MADAME PERNELLE.

Le pauvre homme !Mon fils, je ne puis du tout croire
Qu’il ait voulu commettre une action si noire.

ORGON.

Comment !

MADAME PERNELLE.

Comment !Les gens de bien sont enviés toujours.

ORGON.

Que voulez-vous donc dire avec votre discours,
Ma mère ?

MADAME PERNELLE.

Ma mère ?Que chez vous on vit d’étrange sorte,
Et qu’on ne sait que trop la haine qu’on lui porte.

ORGON.

Qu’a cette haine à faire avec ce que l’on dit ?

MADAME PERNELLE.

Je vous l’ai dit cent fois quand vous étiez petit ;
La vertu dans le monde est toujours poursuivie ;
Les envieux mourront, mais non jamais l’envie.

ORGON.

Mais que fait ce discours aux choses d’aujourd’hui ?

MADAME PERNELLE.

On vous aura forgé cent sots contes de lui.

ORGON.

Je vous ai dit déjà que j’ai vu tout moi-même.

MADAME PERNELLE.

Des esprits médisans la malice est extrême.

ORGON.

Vous me feriez damner, ma mère ! Je vous di
Que j’ai vu de mes yeux un crime si hardi.

MADAME PERNELLE.

Les langues ont toujours du venin à répandre,
Et rien c’est ici-bas qui s’en puisse défendre.

ORGON.

C’est tenir un propos de sens bien dépourvu.
Je l’ai vu, dis-je, vu, de mes propres yeux vu,
Ce qu’on appelle vu. Faut-il vous le rebattre
Aux oreilles cent fois, et crier comme quatre ?