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Et que son lâche orgueil, trop digne de courroux,
Se fait de vos bontés des armes contre vous ?

ORGON.

Oui, mon fils ; et j’en sens des douleurs non pareilles.

DAMIS.

Laissez-moi, je lui veux couper les deux oreilles.
Contre son insolence on ne doit point gauchir :
C’est à moi tout d’un coup de vous en affranchir ;
Et, pour sortir d’affaire, il faut que je l’assomme.

CLÉANTE.

Voilà tout justement parler en vrai jeune homme,
Modérez, s’il vous plaît, ces transports éclatans.
Nous vivons sous un règne et sommes dans un temps
Où par la violence on fait mal ses affaires.


Scène III.

MADAME PERNELLE, ORGON, ELMIRE,
CLÉANTE, MARIANE, DAMIS, DORINE.
MADAME PERNELLE.

Qu’est-ce ? J’apprends ici de terribles mystères !

ORGON.

Ce sont des nouveautés dont mes yeux sont témoins ;
Et vous voyez le prix dont sont payés mes soins.
Je recueille avec zèle un homme en sa misère,
Je le loge, et le tiens comme mon propre frère ;
De bienfaits chaque jour il est par moi chargé ;
Je lui donne ma fille et tout le bien que j’ai ;
Et, dans le même temps, le perfide, l’infâme,
Tente le noir dessein de suborner ma femme ;
Et, non content encor de ses lâches essais.
Il m’ose menacer de mes propres bienfaits,
Et veut, à ma ruine, user des avantages
Dont le viennent d’armer mes bontés trop peu sages,
Me chasser de mes biens où je l’ai transféré,
Et me réduire au point d’où je l’ai retiré !

DORINE.

Le pauvre homme !