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ORGON.

Pourquoi sous cette table ?

ELMIRE.

Pourquoi sous cette table ?Ah ! mon Dieu ! laissez faire,
J’ai mon dessein en tête, et vous en jugerez.
Mettez-vous là, vous dis-je ; et, quand vous y serez,
Gardez qu’on ne vous voie et qu’on ne vous entende.

ORGON.

Je confesse qu’ici ma complaisance est grande ;
Mais de votre entreprise il vous faut voir sortir.

ELMIRE.

Vous n’aurez, je ne crois, rien à me repartir.

À Orgon qui est sous la table.

Au moins, je vais toucher une étrange matière :
Ne vous scandalisez en aucune manière.
Quoi que je puisse dire, il doit m’être permis ;
Et c’est pour vous convaincre, ainsi que j’ai promis.
Je vais par des douceurs, puisque j’y suis réduite,
Faire poser le masque à cette âme hypocrite,
Flatter de son amour les désirs effrontés,
Et donner un champ libre à ses témérités.
Comme c’est pour vous seul, et pour mieux le confondre,
Que mon âme à ses vœux va feindre de répondre,
J’aurai lieu de cesser dès que vous vous rendrez,
Et les choses n’iront que jusqu’où vous voudrez.
C’est à vous d’arrêter son ardeur insensée
Quand vous croirez l’affaire assez avant poussée,
D’épargner votre femme, et de ne m’exposer
Qu’à ce qu’il vous faudra pour vous désabuser.
Ce sont vos intérêts, vous en serez le maître.
Et… L’on vient. Tenez-vous, et tardez de paroître.


Scène V.

TARTUFFE, ELMIRE, ORGON,
sous la table.
TARTUFFE.

On m’a dit qu’en ce lieu vous me vouliez parler ?

ELMIRE.

Oui. L’on a des secrets à vous y révéler.