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À Tartuffe.

Remettez-vous, mon frère, et ne vous fâchez pas.

TARTUFFE.

Rompons, rompons le cours de ces fâcheux débats.
Je regarde céans quels grands troubles j’apporte.
Et crois qu’il est besoin, mon frère, que j’en sorte.

ORGON.

Comment ! vous moquez-vous ?

TARTUFFE.

Comment ! vous moquez-vous ?On m’y hait, et je voi
Qu’on cherche à vous donner des soupçons de ma foi.

ORGON.

Qu’importe ? Voyez-vous que mon cœur les écoute ?

TARTUFFE.

On ne manquera pas de poursuivre, sans doute ;
Et ces mêmes rapports qu’ici vous rejetez
Peut-être une autre fois seront-ils écoutés.

ORGON.

Non, mon frère, jamais.

TARTUFFE.

Non, mon frère, jamais.Ah ! mon frère, une femme
Aisément d’un mari peut bien surprendre l’âme.

ORGON.

Non, non.

TARTUFFE.

Non, non.Laissez-moi vite, en m’éloignant d’ici,
Leur ôter tout sujet de m’attaquer ainsi.

ORGON.

Non, vous demeurerez ; il y va de ma vie.

TARTUFFE.

Eh bien, il faudra donc que je me mortifie.
Pourtant, si vous vouliez…

ORGON.

Pourtant, si vous vouliez…Ah !

TARTUFFE.

Pourtant, si vous vouliez… Ah !Soit n’en parlons plus
Mais je sais comme il faut en user là-dessus.
L’honneur est délicat, et l’amitié m’engage
À prévenir les bruits et les sujets d’ombrage,