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Et je l’ai surpris là qui faisoit à madame
L’injurieux aveu d’une coupable flamme.
Elle est d’une humeur douce, et son cœur trop discret
Vouloit à toute force en garderie secret ;
Mais je ne puis flatter une telle impudence,
Et crois que vous la taire est vous faire une offense.

ELMIRE.

Oui, je tiens que jamais de tous ces vains propos
On ne doit d’un mari traverser le repos ;
Que ce n’est point de là que l’honneur peut dépendre,
Et qu’il suffit pour nous de savoir nous défendre ;
Ce sont mes sentimens, et vous n’auriez rien dit,
Damis, si j’avois eu sur vous quelque crédit.


Scène VI.

ORGON, DAMIS, TARTUFFE.
ORGON.

Ce que je viens d’entendre, ô ciel ! est-il croyable ?

TARTUFFE.

Oui, mon frère, je suis un méchant, un coupable,
Un malheureux pécheur, tout plein d’iniquité.
Le plus grand scélérat qui jamais ait été.
Chaque instant de ma vie est chargé de souillures ;
Elle n’est qu’un amas de crimes et d’ordures ?
Et je vois que le ciel, pour ma punition,
Me veut mortifier en cette occasion.
De quelque grand forfait qu’on me puisse reprendre,
Je n’ai garde d’avoir l’orgueil de m’en défendre.
Croyez ce qu’on vous dit, armez votre courroux,
Et comme un criminel chassez-moi de chez vous :
Je ne saurois avoir tant de honte en partage.
Que je n’en aie encor mérité davantage.

ORGON, à son fils.

Ah ! traître ! oses-tu bien, par cette fausseté,
Vouloir de sa vertu ternir la pureté ?

DAMIS.

Quoi ! la feinte douceur de cette âme hypocrite
Vous fera démentir…