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TARTUFFE.

Mes prières n’ont pas le mérite qu’il faut
Pour avoir attiré cette grâce d’en haut ;
Mais je n’ai fait au ciel nulle dévote instance.
Qui n’ait eu pour objet votre convalescence.

ELMIRE.

Votre zèle pour moi s’est trop inquiété.

TARTUFFE.

On ne peut trop chérir votre chère santé ;
Et, pour la rétablir, j’aurois donné la mienne.

ELMIRE.

C’est pousser bien avant la charité chrétienne ;
Et je vous dois beaucoup pour toutes ces bontés.

TARTUFFE.

Je fais bien moins pour vous que vous ne méritez.

ELMIRE.

J’ai voulu vous parler en secret d’une affaire,
Et suis bien aise, ici qu’aucun ne nous éclaire[1].

TARTUFFE.

J’en suis ravi de même ; et sans doute il m’est doux,
Madame, de me voir seul à seul avec vous.
C’est une occasion qu’au ciel j’ai demandée.
Sans que, jusqu’à cette heure, il me l’ait accordée.

ELMIRE.

Pour moi, ce que je veux, c’est un mot d’entretien
Où tout votre cœur s’ouvre, et ne me cache rien.

Damis, sans se montrer, entr’ouvre la porte du cabinet dans lequel il s’étoit retiré, pour entendre la conversation.
TARTUFFE.

Et je ne veux aussi, pour grâce singulière,
Que montrer à vos yeux mon âme tout entière,
Et vous faire serment que les bruits que j’ai faits
Des visites qu’ici reçoivent vos attraits.
Ne sont pas envers vous l’effet d’aucune haine,
Mais plutôt d’un transport de zèle qui m’entraîne,
Et d’un Dur mouvement…

  1. Voyez la note, tome Ier, page 64.