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Quelle raison aurois-je à combattre vos vœux ?
Le parti de soi-même est fort avantageux.
Monsieur Tartuffe ! oh ! oh ! n’est-ce rien qu’on propose ?
Certes, monsieur Tartuffe, à bien prendre la chose,
N’est pas un homme, non, qui se mouche du pied ;
Et ce n’est pas peu d’heur[1] que d’être sa moitié,
Tout le monde déjà de gloire le couronne ;
Il est noble chez lui, bien fait de sa personne ;
Il a l’oreille rouge et le teint bien fleuri :
Vous vivrez trop contente avec un tel mari.

MARIANE.

Mon Dieu !…

DORINE.

Mon Dieu !…Quelle allégresse aurez-vous dans votre âme,
Quand d’un époux si beau vous vous verrez la femme !

MARIANE.

Ah ! cesse, je te prie, un semblable discours.
Et contre cet hymen ouvre-moi du secours.
C’en est fait, je me rends, et suis prête à tout faire.

DORINE.

Non, il faut qu’une fille obéisse à son père,
Voulût-il lui donner un singe pour époux.
Votre sort est fort beau : de quoi vous plaignez-vous ?
Vous irez par le coche en sa petite ville,
Qu’en oncles et cousins vous trouverez fertile.
Et vous vous plairez fort à les entretenir ;
D’abord chez le beau monde on vous fera venir.
Vous irez visiter, pour votre bienvenue,
Madame la baillive et madame l’élue,
Qui d’un siège pliant vous feront honorer.
Là, dans le carnaval, vous pourrez espérer
Le bal et la grand’bande[2], à savoir deux musettes,
Et parfois Fagotin[3], et les marionnettes,
Si pourtant votre époux…

  1. Pour : bonheur. Voyez tome Ier, p. 91, note quatrième.
  2. La grande troupe de musiciens.
  3. Le singe de la foire.