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ORGON.

Cessez de m’interrompre, et songez à vous taire,
Sans mettre votre nez où vous n’avez que faire.

DORINE.

Je n’en parle, monsieur, que pour votre intérêt.

ORGON.

C’est prendre trop de soin ; taisez-vous, s’il vous plaît.

DORINE.

S’il ne vous aimoit pas…

ORGON.

S’il ne vous aimoit pas…Je ne veux pas qu’on m’aime.

DORINE.

Et je veux vous aimer, monsieur, malgré vous-même

ORGON.

Ah !

DORINE.

Ah !Votre honneur m’est cher, et je ne puis souffrir
Qu’aux brocards d’un chacun vous alliez vous offrir.

ORGON.

Vous ne vous tairez point !

DORINE.

Vous ne vous tairez point !C’est une conscience
Que de vous laisser faire une telle alliance.

ORGON.

Te tairas-tu, serpent, dont les traits effrontés…

DORINE.

Ah ! vous êtes dévot, et vous vous emportez !

ORGON.

Oui, ma bile s’échauffe à toutes ces fadaises,
Et tout résolument je veux que tu te taises.

DORINE.

Soit. Mais, ne disant mot, je n’en pense pas moins.

ORGON.

Pense, si tu le veux ; mais applique tes soins

À sa fille.

À ne m’en point parler, ou… Suffit… Comme sage,
J’ai pesé mûrement toutes choses.