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Et qui donne à sa fille un homme qu’elle hait
Est responsable au ciel des fautes qu’elle fait.
Songez à quels périls votre dessein vous livre.

ORGON.

Je vous dis qu’il me faut apprendre d’elle à vivre !

DORINE.

Vous n’en feriez que mieux de suivre mes leçons.

ORGON.

Ne nous amusons point, ma fille, à ces chansons ;
Je sais ce qu’il vous faut, et je suis votre père.
J’avois donné pour vous ma parole à Valère ;
Mais, outre qu’à jouer on dit qu’il est enclin,
Je le soupçonne encor d’être un peu libertin[1] ;
Je ne remarque point qu’il hante les églises.

DORINE.

Voulez-vous qu’il y coure à vos heures précises,
Comme ceux qui n’y vont que pour être aperçus ?

ORGON.

Je ne demande pas votre avis là-dessus.
Enfin avec le ciel l’autre est le mieux du monde,
Et c’est une richesse à nulle autre seconde.
Cet hymen de tous biens comblera vos désirs,
Il sera tout confît en douceurs et plaisirs.
Ensemble vous vivrez, dans vos ardeurs fidèles.
Comme deux vrais enfans, comme deux tourterelles
À nul fâcheux débat jamais vous n’en viendrez ;
Et vous ferez de lui tout ce que vous voudrez.

DORINE.

Elle ? Elle n’en fera qu’un sot[2], je vous assure.

ORGON.

Ouais ! quels discours !

DORINE.

Ouais ! quels discours ! Je dis qu’il en a l’encolure,
Et que son ascendant, monsieur, l’emportera
Sur toute la vertu que votre fille aura.

  1. Voyez plus haut la note, page 341.
  2. Pour : mari trompé. Expression proverbiale passée de mode.