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DORINE.
Le pauvre homme !
La nuit se passa tout entière

Sans qu’elle pût fermer un moment la paupière ;
Des chaleurs l’empêchoient de pouvoir sommeiller,
Et jusqu’au jour près d’elle il nous fallut veiller.

ORGON.

Et Tartuffe ?

DORINE.

Et Tartuffe ? Pressé d’un sommeil agréable,
Il passa dans sa chambre au sortir de la table ;
Et dans son lit bien chaud il se mit tout soudain,
Où, sans trouble, il dormit jusques au lendemain.

ORGON.

Le pauvre homme !

DORINE.

Le pauvre homme ! À la fin, par nos raisons gagnée,
Elle se résolut à souffrir la saignée ;
Et le soulagement suivit tout aussitôt.

ORGON.

Et Tartuffe ?

DORINE.

Et Tartuffe ? Il reprit courage comme il faut ;
Et, contre tous les maux fortifiant son âme,
Pour réparer le sang qu’avoit perdu madame.
But, à son déjeuner, quatre grands coups de vin.

ORGON.

Le pauvre homme !

DORINE.

Le pauvre homme ! Tous deux se portent bien enfin,
Et je vais à madame annoncer par avance
La part que vous prenez à sa convalescence.


Scène VI.

ORGON, CLÉANTE.
CLÉANTE.

À votre nez, mon frère, elle se rit de vous :
Et, sans avoir dessein de vous mettre en courroux,
Je vous dirai tout franc que c’est avec justice.
A-t-on jamais parlé d’un semblable caprice ?