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Vous devriez leur remettre un bon exemple aux yeux ;
Et leur défunte mère en usoit beaucoup mieux.
Vous êtes dépensière ; et cet état me blesse,
Que vous alliez vêtue ainsi qu’une princesse.
Quiconque à son mari veut plaire seulement,
Ma bru, n’a pas besoin de tant d’ajustement.

CLÉANTE.

Mais, madame, après tout…

MADAME PERNELLE.

Mais, madame, après tout…Pour vous, monsieur son frère,
Je vous estime fort, vous aime et vous révère ;
Mais enfin, si j’étois de mon fils, son époux,
Je vous prierois bien fort de n’entrer point chez nous.
Sans cesse vous prêchez des maximes de vivre
Qui par d’honnêtes gens ne se doivent point suivre.
Je vous parle un peu franc ; mais c’est là mon humeur,
Et je ne mâche point ce que j’ai sur le cœur.

DAMIS.

Votre monsieur Tartuffe est bien heureux sans doute…

MADAME PERNELLE.

C’est un homme de bien, qu’il faut que l’on écoute ;
Et je ne puis souffrir, sans me mettre en courroux,
De le voir quereller par un fou comme vous.

DAMIS.

Quoi ! je souffrirai, moi, qu’un cagot de critique
Vienne usurper céans[1] un pouvoir tyrannique,
Et que nous ne puissions à rien nous divertir.
Si ce beau monsieur-là n’y daigne consentir !

DORINE.

S’il le faut écouter et croire à ses maximes,
On ne peut faire rien qu’on ne fasse de crimes.
Car il contrôle tout, ce critique zélé.

  1. Pour : dans cette maison ; du latin, hic intus, ci ens, ici dedans. Archaïsme expressif et perdu, ainsi que leans (illic intus, là ens, là dedans). Deux mots excellents d’une mouvance distincte et que la langue ne possède plus.