Page:Molière - Œuvres complètes, CL, 1888, tome 03.djvu/336

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

MADAME PERNELLE.

C’est que je ne puis voir tout ce ménage-ci,
Et que de me complaire on ne prend nul souci.
Oui, je sors de chez vous fort mal édifiée :
Dans toutes mes leçons j’y suis contrariée.
On n’y respecte rien, chacun y parle haut.
Et c’est tout justement la cour du roi Pétaud[1]

DORINE.

Si…

MADAME PERNELLE.

Si…Vous êtes, ma mie, une fille suivante
Un peu trop forte en gueule, et fort impertinente :
Vous vous mêlez sur tout de dire votre avis.

DAMIS.

Mais…

MADAME PERNELLE.

Mais…Vous êtes un sot, en trois lettres, mon fils,
C’est moi qui vous le dis, qui suis votre grand’mère ;
Et j’ai prédit cent fois à mon fils, votre père.
Que vous preniez tout l’air d’un méchant garnement.
Et ne lui donneriez jamais que du tourment.

MARIANE.

Je crois…

MADAME PERNELLE.

Je crois…Mon Dieu ! sa sœur, vous faites la discrète,
Et vous n’y touchez pas, tant vous semblez doucette !
Mais il n’est, comme on dit, pire eau que l’eau qui dort ;
Et vous menez sous chape[2] un train que je hais fort.

ELMIRE.

Mais, ma mère…

MADAME PERNELLE.

Mais, ma mère…Ma bru, qu’il ne vous en déplaise,
Votre conduite en tout est tout à fait mauvaise ;

  1. Pour : une famille de bohémiens. Proverbe archaïque et populaire. « Le roi Pétaud, dit Bret, est le chef que se choisissaient autrefois les mendiants, réunis en corporation. Ce nom vient du latin peto, je demande. Ce roi n’ayant pas plus de pouvoir que ses sujets, où donne pas extension le nom de cour du roi Pétaud à une maison où tout le monde commande. »
  2. Pour : sous cape, sous le manteau. De l’espagnol capa.