Page:Molière - Œuvres complètes, CL, 1888, tome 03.djvu/327

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lerie. On veut bien être méchant ; mais on ne veut point être ridicule.

On me reproche d’avoir mis des termes de piété dans la bouche de mon imposteur. Eh ! pouvois-je m’en empêcher, pour bien représenter le caractère d’un hypocrite ? Il suffît, ce me semble, que je fasse connoitre les motifs criminels qui lui font dire les choses, et que j’en aie retranché les termes consacrés, dont on auroit eu peine à lui entendre faire un mauvais usage. — Mais il débite au quatrième acte une morale pernicieuse. — Mais cette morale est-elle quelque chose dont tout le monde n’eût les oreilles rebattues. Dit-elle rien de nouveau dans ma comédie ? Et peut-on craindre que des choses si généralement détestées fassent quelque impression dans les esprits ; que je les rende dangereuses en les faisant monter sur le théâtre ; qu’elles reçoivent quelque autorité de la bouche d’un scélérat ? Il n’y a nulle apparence à cela ; et l’on doit approuver la comédie du Tartuffe, ou condamner généralement toutes les comédies.

C’est à quoi l’on s’attache furieusement depuis un temps ; et jamais on ne s’étoit si fort déchaîné contre le théâtre. Je ne puis pas nier qu’il n’y ait eu des pères de l’Église qui ont condamné la comédie ; mais on ne peut pas me nier aussi qu’il n’y en ait eu quelques-uns qui l’ont traitée un peu plus doucement. Ainsi l’autorité dont on prétend appuyer la censure est détruite par ce partage ; et toute la conséquence qu’on peut tirer de cette diversité d’opinions en des esprits éclairés des mêmes lumières, c’est qu’ils ont pris la comédie différemment, et que les uns l’ont considérée dans sa pureté, lorsque les autres l’ont regardée dans sa corruption, et confondue avec tous ces vilains spectacles qu’on a eu raison de nommer des spectacles de turpitude.

Et, en effet, puisqu’on doit discourir des choses, et non pas des mots, et que la plupart des contrariétés viennent de ne se pas entendre, et d’envelopper dans un même mot des choses opposées, il ne faut qu’ôter le voile de l’équivoque, et regarder ce qu’est la comédie en soi, pour voir si elle est condamnable. On connoîtra sans doute que, n’étant autre chose qu’un poëme ingénieux qui, par des leçons agréables, reprend les défauts des hommes, on ne sauroit la censurer sans injustice ; et, si nous voulons ouïr là-dessus le témoignage de l’antiquité, elle nous dira