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LE TARTUFFE
OU
L’IMPOSTEUR
COMÉDIE
Représentée pour la première fois, à Versailles, devant la cour, dans les Plaisirs de l’Île enchantée (1664). — Les trois premiers actes, sur le théâtre du Palais-Royal, le 5 août 1667 ; défendue le lendemain, et reprise sans interruption le 5 février 1669.

En 1664, comme nous l’avons dit, le 10 mai, les trois premiers actes d’une œuvre conçue depuis longtemps par Molière, et dès lors terminée si ce n’est corrigée, furent représentés comme essai pendant les fêtes de Versailles.

C’était à la fois une singulière audace et une grande habileté. L’œuvre était évidemment dirigée contre le jansénisme même et la rigidité extérieure. Le roi, dont les austères et les dévots contrariaient les amours et prétendaient régenter les plaisirs, allait-il prendre parti contre eux et reconnaître l’auteur dramatique pour premier ministre de ses vengeances et de ses plaisirs ? ou bien imposerait-il silence à Molière et concéderait-il implicitement aux censeurs le droit de critiquer les préférences de son cœur et les voluptés de son trône ?

Un puritanisme hypocrite, cherchant à se rendre maître du crédit, de l’autorité et de la fortune, plus vicieux en secret, plus sensuel en réalité que ceux dont il blâmait les penchants, occupait le centre de la composition nouvelle ; et l’on peut croire que le comédien nomade, élève de Gassendi, traducteur de Lucrèce, lié avec Bernier, Chapelle et les libertins, eut exactement la même pensée qui dicta plus tard à Fielding son Tom Jones : la haine du pédant et des dehors hypocrites ; une grande foi dans les penchants naturels de l’humanité, une grande répugnance pour les austérités affectées. La société anglaise de Fiel-