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MONSIEUR JOURDAIN.

Pour me baiser ?

COVIELLE.

Oui. J’étois grand ami de feu monsieur votre pére.

MONSIEUR JOURDAIN.

De feu monsieur mon père ?

COVIELLE.

Oui. C’étoit un fort honnête gentilhomme.

MONSIEUR JOURDAIN.

Comment dites-vous ?

COVIELLE.

Je dis que c’étoit un fort honnête gentilhomme.

MONSIEUR JOURDAIN.

Mon père ?

COVIELLE.

Oui.

MONSIEUR JOURDAIN.

Vous l’avez fort connu ?

COVIELLE.

Assurément.

MONSIEUR JOURDAIN.

Et vous l’avez connu pour gentilhomme ?

COVIELLE.

Sans doute.

MONSIEUR JOURDAIN.

Je ne sais donc pas comment le monde est fait ?

COVIELLE.

Comment ?

MONSIEUR JOURDAIN.

Il y a de sottes gens qui me veulent dire qu’il a été marchand.

COVIELLE.

Lui, marchand ! C’est pure médisance, il ne l’a jamais été. Tout ce qu’il faisoit, c’est qu’il étoit fort obligeant, fort officieux ; et, comme il se connoissoit fort bien en étoffes, il en alloit choisir de tous les côtés, les faisoit apporter chez lui, et en donnoit à ses amis pour de l’argent.

MONSIEUR JOURDAIN.

Je suis ravi de vous connoitre, afin que vous rendiez ce témoignage-là, que mon père étoit gentilhomme.