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et, devant tout le monde, il me fait des caresses dont je suis moi-même confus.

MADAME JOURDAIN.

Oui, il a des bontés pour vous, et vous fait des caresses ; mais il vous emprunte votre argent.

MONSIEUR JOURDAIN.

Hé bien ! ne m’est-ce pas de l’honneur, de prêter de l’argent à un homme de cette condition-là ? et puis-je faire moins pour un seigneur qui m’appelle son cher ami ?

MADAME JOURDAIN.

Et ce seigneur, que fait-il pour vous ?

MONSIEUR JOURDAIN.

Des choses dont on seroit étonné, si on les savoit.

MADAME JOURDAIN.

Et quoi ?

MONSIEUR JOURDAIN.

Baste ! je ne puis pas m’expliquer. Il suffit que si je lui ai prêté de l’argent, il me le rendra bien, et avant qu’il soit peu.

MADAME JOURDAIN

Oui. Attendez-vous à cela.

MONSIEUR JOURDAIN.

Assurément. Ne me l’a-t-il pas dit ?

MADAME JOURDAIN.

Oui, oui, il ne manquera pas d’y faillir.

MONSIEUR JOURDAIN.

Il m’a juré sa foi de gentilhomme.

MADAME JOURDAIN.

Chansons !

MONSIEUR JOURDAIN.

Ouais ! Vous êtes bien obstinée, ma femme ! Je vous dis qu’il me tiendra sa parole ; j’en suis sûr.

MADAME JOURDAIN.

Et moi, je suis sûre que non, et que toutes les caresses qu’il vous fait ne sont que pour vous enjôler.

MONSIEUR JOURDAIN.

Taisez-vous. Le voici.

MADAME JOURDAIN.

Il ne nous faut plus que cela. Il vient peut-être encore nous faire quelque emprunt ; et il me semble que j’ai dîné quand je le vois.