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ORONTE.

Taisez-vous ; vous êtes une impertinente, et je sais mieux que vous ce qui en est.

JULIE.

Ce sont, sans doute, des pièces qu’on lui fait, et (montrant Éraste) c’est peut-être lui qui a trouvé cet artifice pour vous en dégoûter.

ÉRASTE.

Moi ! je serois capable de cela !

JULIE.

Oui, vous.

ORONTE.

Taisez-vous, vous dis-je. Vous êtes une sotte.

ÉRASTE.

Non, non ; ne vous imaginez pas que j’aie aucune envie de détourner ce mariage, et que ce soit ma passion qui m’ait forcé à courir après vous. Je vous l’ai déjà dit, ce n’est que la seule considération que j’ai pour monsieur votre père ; et je n’ai pu souffrir qu’un honnête homme comme lui fût exposé à la honte de tous les bruits qui pourroient suivre une action comme la vôtre.

ORONTE.

Je vous suis, seigneur Éraste, infiniment obligé.

ÉRASTE.

Adieu, monsieur. J’avois toutes les ardeurs du monde d’entrer dans votre alliance ; j’ai fait tout ce que j’ai pu pour obtenir un tel honneur : mais j’ai été malheureux, et vous ne m’avez pas jugé digne de cette grâce. Cela n’empêchera pas que je ne conserve pour vous les sentiments d’estime et de vénération où votre personne m’oblige ; et si je n’ai pu être votre gendre, au moins serai-je éternellement votre serviteur.

ORONTE.

Arretez, seigneur Éraste. Votre procédé me touche l’âme, et je vous donne ma fille en mariage.

JULIE.

Je ne veux point d’autre mari que monsieur de Pourceaugnac.

ORONTE.

Et je veux, moi, tout à l’heure, que tu prennes le seigneur Éraste. Çà, la main.