Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 2.djvu/409

Cette page a été validée par deux contributeurs.
Dorine
605Que sais-je si le cœur a parlé par la bouche,

Et si c’est tout de bon que cet amant vous touche ?

Mariane
Tu me fais un grand tort, Dorine, d’en douter ;

Et mes vrais sentiments ont su trop éclater.

Dorine
Enfin, vous l’aimez donc ?


Mariane
Enfin, vous l’aimez donc ? Oui, d’une ardeur extrême.


Dorine
610Et, selon l’apparence, il vous aime de même ?


Mariane
Je le crois.


Dorine
Je le crois. Et tous deux brûlez également

De vous voir mariés ensemble ?

Mariane
De vous voir mariés ensemble ? Assurément.


Dorine
Sur cette autre union quelle est donc votre attente ?


Mariane
De me donner la mort, si l’on me violente.


Dorine
615Fort bien. C’est un recours où je ne songeais pas ;

Vous n’avez qu’à mourir pour sortir d’embarras.
Le remède, sans doute est merveilleux. J’enrage,
Lorsque j’entends tenir ces sortes de langage.

Mariane
Mon Dieu ! de quelle humeur, Dorine, tu te rends !

620Tu ne compatis point aux déplaisirs des gens.

Dorine
Je ne compatis point à qui dit des sornettes,

Et dans l’occasion mollit comme vous faites.

Mariane
Mais que veux-tu ? si j’ai de la timidité…


Dorine
Mais l’amour dans un cœur veut de la fermeté.


Mariane
625Mais n’en gardé-je pas pour les feux de Valère ?

Et n’est-ce pas à lui de m’obtenir d’un père ?