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pavillon, appelé la questure. Oh ! ce petit pavillon, tout rempli de belles choses, étrennes perpétuelles, qui exhalaient de délicieuses odeurs de sapin et de bois verni, qui lui rappelaient la féerique, la flamboyante boutique de l’épicier, à Pervenchères, les jours charmants de Noël et du Nouvel-An. Comme il le dévorait du regard ! Comme il enviait les riches qui en revenaient, les bras chargés, les poches pleines, avec des figures en fête ! Après de longues hésitations, surmontant sa timidité, il se rendit à cette questure tentatrice, acheta un ballon qui fut crevé le lendemain, deux balles qui lui furent aussitôt volées, une paire d’échasses qui se cassèrent, dès qu’il les eut essayées. Les cinq francs donnés par sa tante étaient épuisés ; les dix sous réglementaires que chaque semaine, le samedi, le Père Préfet distribuait aux élèves, dans les cours, passèrent en emprunts qu’il n’osa refuser. Alors, avec une volonté supérieure à son âge, il résolut de s’abstraire, dans le travail, et dans lui-même, de ses successifs mécomptes. Il acquit bientôt, dans le travail, une sorte de paix ; dans lui-même, où déjà remuait tout un monde de pensées et de sensations, une sorte d’amère jouissance qui alla se décuplant, aux heures du silence et du repos.


Un mercredi, avant la promenade, Sébastien vit venir à lui un élève qui lui demanda :

— Veux-tu que nous fassions la promenade ensemble ?… Je suis Jean de Kerral… Tu me connais bien ?…

Et avant que Sébastien eût le temps de répondre, il ajouta :