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à cause de lui, s’aviva du remords de ne l’avoir pas courageusement défendu. Pour ne pas l’inquiéter, et par une sorte de pudeur fière à ne point étaler de plaintes et de récriminations devant les maîtres — car il savait que les Jésuites lisaient les lettres des élèves comme celles des parents — il ne voulut rien lui confier de ses tourments. Il se bornait à laisser déborder son cœur, en affections naïves et chaudes, en promesses répétées de bonne conduite et de travail. Il s’essayait aussi à de petites descriptions du collège, à des récits de promenades, où déjà se révélait, dans la primitivité de la forme et l’éveil incomplet de la sensation, une âme curieuse et vibrante. Et puis, c’étaient des besoins de parler du pays, des souvenirs à l’adresse de toutes choses de là-bas, exprimés, tantôt avec une gaieté forcée, tantôt avec l’angoisseux, l’exaspéré désir des joies natales, des caresses familières qui dénotaient une véritable détresse morale. Un autre que M. Roch se fût peut-être alarmé de cette insolite agitation d’esprit. Celui-ci ne vit là qu’un badinage dont l’inutilité et le manque de sérieux le choquèrent : « Je ne suis pas trop content de toi, écrivait-il, je m’aperçois que tu passes ton temps à des gamineries, à des futilités, que je ne saurais encourager. Je comprends, que les premiers jours, tu te sois laissé griser par un changement d’existence aussi radical et flatteur. Mais il est urgent que tu songes à devenir sérieux. Tout Pervenchères s’occupe de toi. On me jalouse. Je dis : « Mon fils arrivera très loin, ira très haut. » Tâche de ne pas faire mentir ton père. Envoie-moi la liste de tes principaux condisciples, de ceux surtout qui portent un nom historique. Comment