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foule sur des dalles sonores… Et des soutanes, rapides, fuyantes… des saints de plâtre blafards, des vierges livides, projetant sur les murs l’ombre de gestes raidis !… Des lits, des lits… puis rien !… Sa peau brûlait, ses tempes battaient… Quelque chose comme un cercle de fer lui opprimait le front… Où donc était-il ? Il se souleva à demi, hors des draps, et il écouta… Un grand silence !… Un grand silence où, peu à peu, se percevait, plus distincte, l’indécise et continue rumeur des respirations endormies, où, tout à coup, éclataient la voix effrayée d’un rêve, le bruit rauque d’une toux, le choc sourd d’un coude entre les cloisons de bois… Il pensa à sa petite chambre, de là-bas, à ses gais réveils, à la mère Cébron, que tous les matins, dans la cuisine, il trouvait en train de griller des tartines de pain, pour le café au lait, et il soupira. C’était fini !… Jamais plus il ne reverrait sa chambre, ni la mère Cébron, ni rien de ce qu’il avait aimé jusque-là !… De temps en temps, sur la blancheur des rideaux, gonflés par un souffle furtif, rôdait, vigilante et déformée, l’ombre d’une soutane… Et les heures sonnaient, espaçant des siècles.

Le réveil ne sonna qu’à huit heures. Un tapage grandissant emplit le dortoir ; piétinement de foule, bourdonnement de ruche en travail, sur quoi se détachaient le bruit plus clair des rideaux glissant, un à un, sur leurs tringles de fer, et la ruisselée de l’eau tombant dans les cuvettes. Machinalement, Sébastien se leva, la tête alourdie, les idées disjointes, mal à l’aise. Un jour avare, un jour de prison, remplaçant la lueur des lampes éteintes, rampait au plafond, laissait les cloisons dans une pénombre