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des blancheurs nocturnes, de lui qui parlait ; puis, toute frissonnante de froid, poussant un petit cri d’oiseau qui salue l’aurore, elle se jeta dans les bras de Sébastien.

— Le jour ! fit-elle… Déjà ?… Qu’est-ce que ça fait ?… Restons encore un peu…

— C’est impossible ! Dans un instant, le jour va paraître… Vois, la lune s’efface, les formes renaissent et les bûcherons se hâtent vers la forêt !… Marguerite !

Elle l’étreignit passionnément et dit encore :

— Hé bien ? Qu’est-ce que ça fait ?…

— Mais tu ne comprends donc pas que, tout à l’heure, le jour va grandir, et que l’on te verra, Marguerite.

— Eh bien !… Qu’est-ce que ça fait ? Embrasse-moi.

Sébastien se leva, ramassa le châle de soie blanche qui traînait à terre, enveloppa Marguerite, qui tremblait de froid.

— Rentrons vite ! supplia-t-il… Tu es toute glacée… tes cheveux sont humides…

Elle répondit, d’une voix attristée :

— Non !… c’est de partir que j’ai froid. Oh ! vilain !

Elle se leva aussi, se pendit au bras de Sébastien.

— Maintenant, promets-moi une chose ! Oh ! promets-la moi !… C’est que nous viendrons tous les soirs !… Promets !

Sébastien ne voulut pas lui faire de la peine, ni l’irriter, car il connaissait ses soudaines mutineries, ses sauts brusques de la joie à la colère, de la soumission à la révolte, du rire aux sanglots.