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plis, elle s’approchait de lui, avec des mouvements de joli animal, lissait ses cheveux mal peignés, de sa main très longue, maigre et déjà veinée de bleu, arrangeait le nœud de sa cravate défaite. Les petits doigts couraient sur sa peau, légers, souples, brûlants comme des ailes de flamme, semblaient multiplier leurs frôlements, qui le laissaient presque défaillant de terreur et de joie. Il se sentait vivre en elle réellement. Si intime, si magnétique était la pénétration de sa vie à lui, dans sa vie à elle, que bien souvent, lorsqu’elle se cognait à l’angle d’un meuble, et se piquait les doigts à la pointe d’une aiguille, il éprouvait immédiatement la douleur physique de ce choc et de cette piqûre.

— Est-ce qu’il y aura des petites filles dans le collège où tu vas, dis ? demandait-elle.

— Oh ! Non.

— Je voudrais bien aller avec toi, être toujours avec toi !…

Et les prunelles agrandies, plus brillantes :

— Alors, il y a beaucoup de petits garçons… rien que de petits garçons… comme toi — gentils comme toi ?…

— Oh ! oui.

— Que ça doit être amusant !… Comme j’aimerais ça, moi, le collège !

Tout d’un coup, elle courait, auprès de sa mère, la figure striée de grimaces nerveuses, pleurant :

— Maman !… maman !… Je voudrais aller avec lui… je voudrais…

De ces heures trop brèves, passées au contact de cette étrange enfant, Sébastien rapportait une chaleur prompte à s’évaporer, dès qu’il se retrou-