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Sébastien ; elle connaissait le décousu de ses sentiments, les soubresauts de ses idées. Elle ne s’étonna pas, se contenta de sourire d’un sourire attristé :

— Je vois bien que cette chose grave n’est pas bien grave… Ah ! que vous êtes singulier, mon pauvre Sébastien !

Il espaça ses visites. Mais Marguerite lui écrivit des lettres, d’une écriture déguisée, méconnaissable, des lettres brèves, impératives, auxquelles il ne répondait, lorsqu’il la revoyait, ni par un geste, ni par un coup d’œil complice. Une fois, en le reconduisant, elle lui demanda :

— Tu as reçu mes lettres ?… Pourquoi ne me dis-tu rien ?

Sébastien joua l’étonnement, protesta :

— Des lettres ?… Quelles lettres ?… Tu m’as écrit ?… Non, je n’ai pas reçu tes lettres.

— Tu mens…

— Je t’assure !… Alors, c’est mon père qui les garde…

— Ton père ! ton père !… Ça n’est pas vrai !

— Et qui viendra les rapporter à ta mère, tu verras, Marguerite… C’est de la folie pure…

— Eh bien, tant mieux… Il viendra… J’aime mieux ça !

Ces lettres, en effet, avaient intrigué M. Roch qui, chaque matin, attendait le facteur sur la route. En les remettant à son fils, il l’observait de coin.

— Hé ! hé !… mon gaillard ! faisait-il… Voilà une lettre, si je ne me trompe…

Souvent il ajoutait, d’un air malicieux :

— Hier, j’ai rencontré les Champier… Oui !…