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l’allée, elle contre moi, frissonnante et réelle, le charme s’était envolé. J’éprouvai un remords violent d’être venu, un ennui d’être là ! Brusquement je retirai ma main de la sienne.

— C’est très mal ce que nous faisons là, Marguerite, prononçai-je gravement… Je n’aurais pas dû…

Mais elle m’interrompit doucement :

— Tais-toi… Ne dis pas ça… Il y avait si longtemps que je le voulais… C’est vrai, tu n’avais pas l’air de comprendre… Sois gentil, ne me gronde pas… Je suis bien heureuse !

Elle soupira :

— N’être jamais seuls ensemble ! C’est vrai aussi, cela m’ennuie, tiens !… Je ne puis rien te dire, moi… Et j’ai tant de choses à te dire, tant, tant, tant !… Donne-moi ta main.

Elle parlait bas, la tête reposée sur mon épaule, son corps reposé contre le mien qui se glaçait. Et je le sentais frémir ce corps jeune, onduleux et souple, je le sentais haleter, battre, se tordre contre moi ; ma peau s’horripilait ; j’avais sur tout mon épiderme, de la tête aux pieds, comme un agacement nerveux, comme une impression d’intolérable chatouillement ; il me semblait que je subissais le contact d’un animal immonde. J’avais, oui, véritablement, j’avais l’horreur physique de cette chair de femme qui palpitait contre moi. Je ne pensais plus qu’à une chose : la forcer à partir. Je me reculai vivement.

— D’abord, fis-je avec dureté, expliquez-moi comment vous avez fait pour quitter la maison, Marguerite.

— Oh ! vous… Il me dit vous… Dis-moi tu, tout de suite.