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penchés qui ricanent, en secouant sur nous leurs soutanes déployées et pareilles à des ailes membraneuses de chauve-souris. Quelques-uns volent au-dessus des flaques d’eau, en tournant sans cesse. Puis, brusquement, c’est le collège, son portail grinçant, son étroite cour ; au fond, la chapelle que domine la croix d’or, et le parloir, à droite, gardé par d’horribles frères accroupis ; et ce sont les couloirs, la façade, les cours de récréation. Je me retourne : mon père n’est plus là. Alors une clameur s’élève des cours. Collégiens, professeurs, frères, tous accourent, menaçants, furieux, brandissant des pelles, des fourches, des bâtons, me jetant dans les jambes de gros livres latins et des pierres.

— C’est lui ! C’est lui !

Le Père Recteur, le Père de Marel, le Père de Kern conduisent la foule cruelle. Et la course commence, ardente, féroce, où tout ce que j’ai connu d’abominable se représente à moi, en aspects terrifiants, et pas sensiblement dénaturé. Je trébuche contre des confessionnaux, me cogne à l’angle des chaires, roule sur des marches d’autel, tombe sur des lits où je suis piétiné, assommé, écartelé. Je me réveille alors, le corps tout en sueur, la poitrine haletante, et je n’ose plus me rendormir.

Que n’ai-je point fait pour vaincre ces rêves qui me rendent inoubliable ce que je voudrais tant oublier ? Avant de me coucher, je me suis fatigué le corps et l’esprit ; j’ai marché dans la campagne, comme un fou, ou bien, assis devant une table, j’ai travaillé très tard à ces vaines pages. J’ai tenté d’évoquer d’autres images, des images riantes, et