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rasses !… Et des blessés qu’on soignerait… des blessés tout pâles et très doux… Ah ! je les soignerais bien !

Le chemin aboutissait à une large allée de vieux châtaigniers ; l’allée conduisait à la source de Saint-Jacques qui alimentait d’eau tout Pervenchères. Ils suivirent l’allée, et ils s’arrêtèrent, non loin de la source, sur une sorte de tertre, d’où l’on aperçoit entre les massifs de verdures, le bourg, tassé, éclatant de soleil. Mme Lecautel s’assit sur l’herbe, à l’ombre d’un arbre. Marguerite chercha des fleurs.

— Sébastien ! Sébastien… appela-t-elle, aidez-moi à cueillir un bouquet.

Un champ de blé était là, tout près, qui dardait ses épis et balançait ses pailles, dont le vert se dorait de moires joyeuses. Çà et là, des fleurs l’étoilaient de petites taches bleues et rouges. Marguerite entra dans un sillon, et disparut presque dans l’épaisseur des blés. Son chapeau, seul, fleur énorme et capricieuse, dépassait la pointe mouvante des épis, et son rire, pareil à un chant de bouvreuil, s’égrenait entre les tiges grêles.

— Allons ! Sébastien, allons !

Sébastien la rejoignit, et lorsqu’il fut près d’elle, celle-ci le regardant de ses yeux graves, soudain, lui dit brusquement :

— Tu viendras, ce soir, là-bas !

Sa voix était fière, impérieuse, un frisson la faisait trembler.

— Marguerite !… supplia Sébastien, sur le visage de qui apparut une double expression de crainte et d’ennui.

— Je veux !… Je veux !… Il faut que je te parle.