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pouvez vous imaginer combien c’est beau et mystérieux, du moins pour moi qui ne sais rien… Il y a là une vie extraordinaire, une énorme histoire sociale qu’il serait autrement intéressant d’apprendre que les luttes de la République athénienne… Tenez, c’est encore une des mille choses dont on ne souffle mot dans les collèges.

Mme Lecautel prit un ton de reproche naturel :

— Tout cela est très joli, mon pauvre Sébastien, mais vous ne pouvez pas continuer cette existence-là… Vous n’êtes plus un enfant, voyons !… Dans le pays où l’on vous aime, pourtant, on chuchote, on commence à mal parler de vous, je vous assure… Il faut vous décider à faire quelque chose, croyez-moi…

— C’est vrai !… soupira Sébastien qui, la tête basse, cheminait, frappant les herbes du talus du bout de son bâton… mais que voulez-vous que je fasse ?… Je n’ai de goût à rien…

Et Mme Lecautel gémit :

— C’est désolant !… c’est désolant !… Un grand garçon comme vous, si paresseux !…

— Je ne suis pas paresseux, je vous jure, protesta Sébastien… Je voudrais bien… Mais quoi ?… Dites-moi quoi, vous ?

— Je vous l’ai déjà dit, combien de fois ? Et je vous le répète… Je ne vois pour vous qu’un seul moyen de sortir de la situation où vous vous embourbez de jour en jour… C’est le métier militaire !… Intelligent comme vous l’êtes, vous aurez vite conquis un grade sérieux… Mon mari s’était engagé… À vingt-six ans, il était capitaine ; à quarante-deux ans, général !

Sébastien eut une grimace significative :