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— Je veux bien, mon frère… seulement vous me direz où est Bolorec…

— M. Bolorec ?… Mais je ne sais pas !… M. Bolorec est où il est, vous êtes où vous êtes, je suis où je suis, et le bon Dieu est partout… Voilà ce que je sais, monsieur Sébastien Roch.

Et Sébastien, se levant de son lit, brusquement interrogea :

— Voyons, mon frère, dites-moi pourquoi l’on me renvoie ?

— Pourquoi l’on vous… s’écria le frère, qui joignit les mains… Ah ! grand saint François-Xavier !… mais je ne sais pas si l’on vous renvoie ! Je ne sais rien, moi ! Et comment voulez-vous qu’un frère, c’est-à-dire une créature moins importante qu’un rat, qu’un asticot, qu’une anémone de mer, sache quelque chose ?… Ce n’est pas M. Juste Durand qui m’eût adressé de pareilles questions, le cher enfant !

Dans cette claustration, dans ce silence, dans cette laideur des choses, ces quatre jours furent pénibles à Sébastien. Le matin, il entendait la messe, dans une petite chapelle solitaire. L’après-midi, au moment des classes, durant une heure, il se promenait au jardin ou dans le parc, conduit par le frère onctueux, bavard, mais inflexible dans sa consigne. Il ne tentait plus de l’interroger, comprenant que c’était inutile, et il restait silencieux, marchant à côté de ce gros bonhomme vite essoufflé qui, pour reprendre haleine, s’arrêtait tous les cent pas.

— Tenez, monsieur Sébastien Roch ! disait-il, regardez quel beau poirier, et quelles poires !… Cette année, personne n’a de fruit… Il n’y a