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sœurs, pardonnez-moi de vous causer tant de peines ! » Et encore : « Mea culpa, mea culpa, mea maxima culpa ! » Ces prières sont, toutes, signées, en grosses lettres profondes : « Juste Durand. » Sébastien se souvient que Juste Durand a été chassé du collège. Il pâlit ; une douleur aiguë lui traverse l’âme. Lui aussi, va être chassé. Mais pourquoi ? Et le voilà reconstituant, minute par minute, l’histoire de sa vie, depuis le pèlerinage de Sainte-Anne… Quatre jours se sont écoulés, quatre jours de lourdeur, d’hébétement, pendant lesquels son esprit a pu sommeiller un peu. Le Père de Kern ne lui a plus reparlé ; il est évident qu’il l’évite. Même à l’étude, il ne rencontre plus son regard. Se repent-il vraiment ? En tout cas, il s’est soumis. Sébastien a glissé, en cachette, dans sa cellule, une lettre, par laquelle il lui défend, il le supplie de ne plus lui adresser jamais la parole. Et le Père obéit. Libéré de ce regard, de cette voix, de ces incessantes poursuites, il a voulu se livrer, avec application, au travail, suivre, attentif, les leçons de ses professeurs. Mais son attention est sans cesse distraite par des choses pénibles. Sa faute est trop proche encore, il ne peut l’oublier. Même dans l’accablement où il reste plongé, des frissons, des sursauts, de cruelles angoisses le troublent et le font souffrir. Certes, il est plus calme ; pas assez, cependant, pour que, de temps à autre, les images ne reparaissent, attisant le feu dans ses veines, précipitant dans sa chair le poison. Il a pu prier, et cela l’a soulagé. Durant les récréations, il n’a pas quitté Bolorec. Malgré tout, Bolorec le sauvegarde, parce qu’il l’intrigue ; parce que, quelquefois aussi, il le fait rire, à cause de la brusquerie