Page:Mirbeau - Sébastien Roch, 1890.djvu/194

Cette page a été validée par deux contributeurs.
190
SÉBASTIEN ROCH

Sébastien vit des instruments de supplice, l’épouvante des chairs tenaillées, des os broyés, des ruissellements de sang, et saisi d’horreur et de pitié, il s’écria :

— Mon Père !… Non… Non… Je ne veux pas que vous fassiez cela à cause de moi… Je ne veux pas… Je ne veux pas…

— Il le faut, mon cher enfant, répondit le Père de Kern, d’un ton résigné… Et ce supplice me sera doux, et je bénirai ces tortures, si vous m’avez pardonné, et permis, par une absolution de vos fautes, qui sont miennes, hélas ! de rendre à votre âme la pureté et la paix. Ce que je vous demande, c’est demain, à la communion, de prier pour moi.

Sébastien se leva, résolu. Il ne souffrait plus. Une ivresse était dans son cœur, une force était dans ses membres, et il aurait voulu que des lumières éclatantes, des embrasements d’église, tout d’un coup, incendiassent la chambre de leurs exorables clartés. À son tour, il s’agenouilla, fervent, aux pieds du Père, et, se frappant la poitrine, baigné de larmes, sûr de racheter une âme et d’apaiser la colère de Dieu, il se confessa.

— Mon Père, je m’accuse d’avoir commis le péché d’impureté ; je m’accuse d’avoir pris un plaisir coupable. Je m’accuse…

Et, tandis que le Père, étendant ses mains bénissantes, ces mains qui, tout à l’heure, dans l’ombre, hideuses et profanatrices, avaient, à jamais, sali l’âme d’un enfant, murmurait : « Absolvo te », il pensa :

— Au moins, de cette façon, il n’ira pas bavarder avec le Père Monsal.