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breux qu’il se rendit d’abord au presbytère, où s’échangèrent d’interminables congratulations, puis chez sa sœur, Mlle Rosalie Roch, vieille fille, paralysée des deux jambes, acariâtre, méchante, avec laquelle il se disputa plus que de coutume, en raison de l’heureux événement qu’il lui annonçait.

— Oui ! je te reconnais bien là, cria-t-elle… Toujours péter plus haut que le derrière !… Eh bien, je te le dis, tu feras le malheur de ton fils, avec tes bêtes d’idées !…

— Taisez-vous, vieille sotte !… Vous ne savez pas ce que vous dites !… D’abord, pour parler comme vous faites, savez-vous ce que c’est que les Jésuites ?… où donc auriez-vous appris cela ?… Eh bien, demandez-le au curé ; il le sait peut-être mieux que vous, lui !… Le curé vous dira que les Jésuites sont une puissance, il vous dira qu’ils mènent le pape…

— Mais tu ne vois donc pas, pauvre imbécile, que c’est pour se moquer de toi qu’on te met ces stupidités dans la tête… D’abord tu es donc bien riche ? Où donc as-tu volé tout cet argent ?

— Cet argent ?…

Et M. Roch se redressa, la taille plus haute, le verbe plus grave.

— Cet argent !… prononça-t-il avec lenteur… Je l’ai gagné par mon travail, par mon in-tel-li-gen-ce !… par mon in-tel-li-gen-ce !… entendez-vous ?

De retour en sa boutique, ayant retiré son habit et passé le tablier de travail en cotonnade grise, il appela Sébastien à qui, tout en triant des pitons de cuivre, il adressa un discours pompeux. M. Roch,