Page:Mirbeau - Sébastien Roch, 1890.djvu/178

Cette page a été validée par deux contributeurs.

vous saviez comme il s’offre à nous, les mains pleines de fleurs, les lèvres pleines de sourires… Si vous saviez comme il a de belles chairs, d’enivrants parfums, pour nous tenter, pour nous perdre, et quelles séductions sont les siennes ! Que de fois j’ai frissonné pour vous !… Lorsque je vous voyais avec Kerral ou quelque autre de vos camarades, cela m’était une torture. Je me demandais : « Que se disent-ils ? Que se font-ils ? » Si vous vous égariez, à la promenade, je me disais encore : « Où sont-ils ? » Et j’avais l’anxiété de vous surprendre, cachés derrière une haie, ou blottis dans l’ombre d’un rocher… Comme j’ai veillé sur vous la nuit, cher enfant ! Ah ! les nuits sont tristes ! Elles me désolent. La passion y rôde, le péché y rampe. Et j’en connais tant de ces pauvres petits êtres dont le cœur est gangrené, et qui se murmurent des paroles brûlantes qui font rougir la sainte Vierge et pleurer Jésus. Ayez confiance en moi, ouvrez-moi tout votre cœur. Ne me cachez ni une mauvaise pensée, ni une action impure… Si vous avez commis le péché maudit, ne craignez pas de vous épancher en moi… C’est si bon de crier ses fautes !… Et Jésus a tant de miséricordieuse indulgence, tant de pardons pour les petites âmes, comme la vôtre !

Il le pressait d’avouer d’imaginaires tentations, d’imaginaires impuretés, précisant ses questions, demeurées, jusqu’ici, timides et vagues. Lui aussi, il avait été perverti, au collège, par un camarade qu’il aimait ! Oh ! quelle honte !… et plus tard !… Avec des rougeurs, des embarras pudiques, de sanctifiantes humilités, il contait l’intérieur de sa famille, révélait des détails intimes, poignants…