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— Allons… remettez-vous… et dormez !… Mon cher enfant !…

Ces deux incidents frappèrent beaucoup Sébastien et réveillèrent de nouveau sa méfiance endormie. Pourquoi l’approche du Père de Kern lui causait-elle un embarras si violent, une sorte d’instinctive et bizarre répugnance, un rétractement de la peau, une peur de vertige, quelque chose d’anormal et de pareil aux sensations étourdissantes que lui donnait la vue d’un gouffre, du haut d’une falaise ? Pourquoi était-il venu, la nuit, dans sa cellule ? Pourquoi était-il penché sur son lit ? La raison qu’il avait prétextée ne lui semblait pas naturelle ; elle sonnait faux. Il était venu avec une intention qu’il n’avait pas dite, qu’il ne pouvait peut-être pas avouer. Mais laquelle ?… Sébastien était resté chaste, à peu près ignorant des impuretés de l’âme humaine. Le vice l’avait à peine effleuré, en passant près de lui. Ce qu’il en savait, ou plutôt, ce qu’il en devinait, c’est à confesse, par les flétrissantes questions du Père Monsal, que cela avait pris, en son esprit, un corps indécis, une inquiétante et dangereuse forme, dont s’alarmaient sa candeur et sa virginale naïveté ! Et puis, çà et là, quelques mots orduriers, entendus dans les conversations, entre élèves, mais rarement, excitaient sa curiosité qui demeurait insatisfaite, car il n’osait demander à personne, pas même à Bolorec, un renseignement à ce sujet, dans la crainte de mal faire, et d’être dénoncé. Toutefois l’explication de Bolorec, au sujet du renvoi de deux camarades, s’était ancrée dans sa mémoire : « Des saletés comme quand on fait des enfants. » Il y pensait souvent, essayant de com-