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des vers à apprendre, des devoirs à écrire, dans lesquels celui-ci devait résumer ses impressions sur tout ce qu’il avait lu, expliquer pourquoi telle chose lui semblait belle. Sébastien se livrait à ces quotidiennes besognes avec un zèle emporté, que son professeur était obligé, souvent, de modérer ; et, en relisant ces pages maladroites, ces incorrectes phrases, où parmi les nécessaires emphases, parmi les imitations et les obscurités, brillaient, çà et là, les étranges lueurs d’un esprit spontané qui s’annonçait irrégulier et poétique, le Père de Kern souriait d’un sourire énigmatique et possesseur.

Sachant combien il aimait le dessin, il lui parla aussi des grands peintres, l’enflamma en lui contant la miraculeuse vie de Léonard de Vinci, de Raphaël, du Corrège, leur intimité avec les souverains et les papes, leurs triomphes divinisés. À chaque entrevue, à chaque causerie, c’était un voile de plus soulevé sur quelque passionnant mystère, une hardiesse nouvelle à pénétrer plus avant dans le domaine des choses défendues. Sébastien, avidement, buvait ces récits d’une époque retentissante et merveilleuse, où l’art, l’héroïsme, la piété, le crime s’embellissaient d’adorables figures de femmes, où l’amour était partout, aussi bien sous le pourpoint des artistes que sous la tiare des papes, où l’on mourait pour un sourire, où l’on se damnait pour un baiser.

— Pourquoi ne nous apprend-on pas cela à la classe ? demandait-il, un peu effrayé… Ce sont donc des péchés ?

— On peut tout apprendre, on peut tout faire aussi, quand on aime le bon Dieu et la sainte