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parce que moi, j’ai tenu à dire partout que tu sortais régulièrement dans cette grande famille… Cela te rehaussait dans l’estime des gens d’ici… D’ailleurs, maintenant, je ne puis me déjuger… Si le curé te demande des détails, il faudra lui en donner, lui en donner beaucoup… Tu diras que tu as vu, au château, des oubliettes, tu parleras des portraits d’ancêtres… des voitures armoriées… Enfin tu t’arrangeras pour ne pas me rendre ridicule… tu m’entends… J’ai de l’amour-propre, moi… Et je suis outré !… mortifié, ce que j’appelle.

Et il lui secoua le bras, brutalement, pour communiquer plus de force persuasive, plus d’éloquence réellement sentie, à l’amertume de ses récriminations.

Sébastien était stupéfait de cet accueil… Dès les premiers mots de ce discours, le charme s’était envolé. Maintenant, un ennui l’accablait. En montant la rue de Paris, il trouva Pervenchères trop petit, sale et triste, les habitants vilains et grossiers. À peine s’il répondit aux bonjours qu’on lui envoyait de toutes parts, et il regretta Vannes, l’amusant dédale des rues, ses maisons aux pignons gothiques, aux étages en surplomb, le port, la goélette.

— Oui, j’ai bien peur, poursuivit M. Roch, que tu fasses la honte de mes derniers jours !… Dans quelle situation tu me mettrais, si les Jésuites, ne pouvant venir à bout de toi, allaient te renvoyer ? Chaque matin je tremble d’apprendre cette catastrophe… On me demande : « Et Sébastien ! Êtes-vous content de lui  ? A-t-il de bonnes places ?… » Je ne veux pas avoir l’air d’un imbécile, et je ré-