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Les vacances de Pâques furent une déception imprévue pour Sébastien. Il avait rêvé d’effusions, de caresses sans fin, d’inexprimables attentes de bonheur. De son coin, dans le wagon qui le ramenait, il guettait anxieusement le retour des paysages familiers. À mesure qu’il approchait du terme désiré, une émotion lui serrait le cœur à le rompre. Déjà il reconnaissait son ciel plus léger, plus profond, la forme des champs, les arbres, les fermes au haut du coteau, la rivière qui luisait dans les prairies, les routes sinueuses, qu’il avait parcourues, combien de fois ?… Rien n’était changé. Un clair soleil illuminait cette résurrection charmante… Entre les hachures roses des peupliers, tout d’un coup, Pervenchères, tassé, grimpant sur la côte, étageait ses maisons qu’il n’avait jamais connues si brillantes et si jolies, pareilles, en ce moment, à de gais morceaux de soie et de velours vibrant dans l’air ; et l’église les dominait, éclaboussée de soleil, avec une grande ombre qui la prenait de travers, ainsi qu’une écharpe bleue. Derrière les palissades de la voie, il aperçut le père Vincent, dans son jardin ; il eut envie de lui crier : « C’est moi Sébastien ! » Il était chez lui ; il allait tout revoir ! Son père l’attendait à la gare. Et ce fut fini.

— L’omnibus prendra ta malle… Nous, nous allons rentrer à pied, décida M. Roch, d’un ton sévère…

Dès qu’ils furent hors de la gare :

— Écoute-moi, commanda le quincaillier… Ce que j’ai à te dire est grave… D’abord, j’ai longtemps hésité à te faire venir ici. Mon intention était de te laisser au collège, en pénitence… Je