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Pendant le temps que dura le retour, Bolorec se montra plus expansif qu’à l’ordinaire. Il parla :

— La prochaine fois, je couperai une belle racine, et je te ferai une canne, avec une tête de chien… ou bien autre chose… Quelquefois, pendant les vacances, papa m’emmène avec lui dans sa voiture, quand il va voir des malades… J’ai taillé le manche de son fouet… Deux tibias, tu sais bien, des os, oui… deux tibias, avec une tête de mort au bout… J’avais vu ça dans son cabinet, sur son bureau, et dans ses livres aussi… C’est beau ses livres… Il y a des cœurs d’hommes, des machins… c’est comme des fleurs… Ici, dans les livres, il n’y a rien… C’est embêtant.

Et, se rapprochant plus près de Sébastien, il lui dit tout bas, après s’être assuré qu’on ne pouvait l’entendre :

— Écoute… promets-moi de ne pas répéter ce que je vais te dire… Tu me promets ?… Eh bien, tu sais que c’est l’empereur qui règne… Il règne parce qu’il a rétabli la religion… Tu sais ça ?… Eh bien, les Jésuites veulent le renverser, et ramener Henri V… C’est sûr, parce que Jean a entendu les Jésuites causer de ça avec son père… Eh bien, j’ai écrit ça au préfet, moi… Alors, on va fermer le collège… Et puis on tuera tous les Jésuites… Et puis, tous !… Voilà !

— Tu es sûr ? interrogea Sébastien, effrayé.

— Puisque je te le dis !

— Et alors, on irait à la maison, nous autres ?

— Oui !

— Et on ne retournerait plus au collège, jamais.

— Plus jamais !