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une famille illustre. La famille de Kerral est très célèbre. Nous avons, le curé et moi, cherché ses traces dans les annales de notre glorieuse histoire. C’est une famille historique. On la trouve partout dans la Révolution. Il y a un comte de Kerral qui émigra, fut pris à Quiberon, et fusillé à Vannes… à Vannes même, mon cher enfant !… Je suis très fier de cette relation pour toi. Quand tu seras reçu dans cette grande famille, surtout, tiens-toi bien, sois très poli et respectueux ; surveille tes manières, ton langage ; que tes habits soient bien brossés, de façon à ce que je n’aie pas à rougir de toi. Tu présenteras à cette noble famille toute ma gratitude, et tous mes hommages… Donc, que ceci te soit un encouragement… »

Il ajoutait :

« Le Révérend Père Monsal a raison. Il vaut mieux, au point de vue de l’autorité paternelle, et du développement de l’idée de famille dans les générations présentes et futures, il vaut mieux, dis-je, que les enfants ne tutoient pas leurs parents. Cela se passe ainsi dans les maisons aristocratiques. D’ailleurs, mon enfant, rappelle-toi bien ceci : tout ce que les Jésuites te diront est fondé sur la raison, le cœur, et sur un sentiment très juste de défense sociale. S’ils sont des maîtres admirables en politique, c’est parce qu’ils sont des maîtres admirables en éducation. »

M. Roch continuait ainsi, durant deux longues pages d’écriture serrée, ornée de volutes et de paraphes. Sébastien lisait cette lettre quand Jean de Kerral, qui venait du parloir, l’aborda.

— Dis donc… tu sais… il ne faut pas te fâcher… parce que je t’aime bien, toujours… Mais papa