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son, pour ne pas crier, appeler au secours. Le Père Monsal, son confesseur, un grand prêtre à face rougeaude, dodelinante, aux lèvres grasses, aux manières doucereuses, le gênait par ses questions. Il l’interrogeait sur sa famille, sur les habitudes de son père, sur tout l’entour physique et moral de son enfance, écartant d’une main brutale le voile des intimités ménagères, forçant ce petit être candide à le renseigner sur des vices possibles, sur des hontes probables, remuant avec une lenteur hideuse la vase qui se dépose au fond des maisons les plus propres, comme des cœurs les plus honnêtes. Sébastien avait pour cet homme qui était là, près de lui, la répulsion nerveuse, crispée, qu’on éprouve à la vue de certaines bêtes rampantes et molles. Il lui semblait que les paroles lentes, humides, qui sortaient de cette invisible bouche, se condensaient, s’agglutinaient sur tout son corps en baves gluantes.

— Et vous tutoyez votre père, mon enfant ?

— Oui, mon Père.

— Ah ! ah ! ah !… C’est très mal… Il ne faut jamais tutoyer ses parents… C’est leur manquer de respect… À l’avenir, vous ne tutoierez plus votre père… Et vous n’avez pas de sœur, mon enfant ?

— Non, mon Père.

— Non… Ah ! ah !… Pas de cousine ?

— Non, mon Père.

— Non plus… Bon !… bon !… C’est très bien, cela, mon enfant… Mais, vous avez bien une amie, chez vous… une petite amie ?…

— Oui, mon Père.

— Ah ! Bon ! bon !… C’est très dangereux…